Sire Comte j’ai viellé
Devant vous, en votre hôtel :
Si ne m’avez rien donné,
Ni mes gages acquittés ;
C’est vilainie !
Foi que doit Sainte Marie,
Ainsi ne vous suivrai mie ;
M’aumônière est mal garnie
Et ma bourse mal farcie !
Sire Comte, car commandez
De moi votre volonté ;
Sire, s’il vous vient à gré,
Un beau don car me donnez
Par courtoisie !
Talent ai, n’en doutez mie
De r’aller à ma mesnie :
Quand j’y vais bourse égarnie,
Ma femme ne me rit mie,
Ains me dit : « Sire Engelé,
En quel(le) terre avez été
Que n’avez rien conquêté ?
Trop vous êtes déporté
Bas en la ville !
Vois com(me) votre malle plie :
Elle est bien de vent farcie !
Honni soit qui a envie
D’être en votre compagnie ! »
Quand je viens à mon hôtel.
Et ma femme a regardé
Derrière moi le sac enflé
Et moi, qui suis bien paré
De robe grise.
Sachez qu’elle a tôt remise
Sa quenouille ; sans feintise
Elle me rit par franchise,
Ses deux bras au col me lient.
Mon garçon va abreuver
Mon cheval, et conreer ;
Ma pucelle va tuer
Un chapon pour préparer
A sauce aillie
Ma fille m’apporte un peigne
En ses mains par courtoisie…
Lors suis de mon hôtel sire
Plus que nul ne pourrait dire.
1. N’allez plus au bois jouer,
Frère Gaultier,
Avec Jeanne la moinesse,
Frère Gaultier,
Vous y avez trop été,
Tout cet été,
Avez gagné les pouquettes,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
2. N’a-t-il pas bien courte vue,
Ce goguelu ?
Il la prenait pour secrète,
Ce goguelu,
Mais on connaît bien son cas,
Vrai Dieu hélas !
Elle a usé l’éguillette,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
3. Elle va tous les matins,
Aux Augustins,
Chez un moine qui la guette,
Aux Augustins,
Et de là elle s’en va,
Vrai Dieu hélas !
A Saint Jacques chez un prètre,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
4. Elle va sur un bateau,
Là bas sur l’eau,
Apprendre la clarinette,
Là bas sur l’eau,
Toute la marine est là,
Vrai Dieu hélas !
Elle en a mal à la tête,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
5. Elle a trouvé beaux amis,
Lui ont promis,
Un poste à l’académie,
Lui ont promis,
Mais point ne le tient encor,
Par Sainte mort,
Bien que paiements ait remis,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
6. Voulez-vous enfin savoir,
Pour tout de vrai,
Qui la chansonnette a faite,
Pour tout de vrai,
C’ont été trois camarades,
Du Moyen Age,
Qui ont tourné leur jaquette,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
7. N’allez plus au bois jouer,
Frère Gaultier,
Avec Jeanne la moinesse,
Frère Gaultier,
Vous y avez trop été,
Tout cet été,
Avez gagné les pouquettes,
Tourlourette, tourlourette et liron fa.
Dedans Paris, ville jolie,
Un jour passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie Damoiselle
Qui soit d’ici en Italie.
D’honnêteté elle est saisie,
Et crois (selon ma fantaisie)
Qu’il n’en est guère de plus belle
Dedans Paris.
Je ne vous la nommerez mie,
Sinon que c’est ma grand Amie,
Car l’alliance se fit telle,
Par un doux baiser que j’eus d’elle
Sans penser aucune infamie,
Dedans Paris.
Mon coeur se recommande à vous
Tout plein d’ennui et de martyre
Au moins en dépit des jaloux
Faites qu’adieu vous puisse dire,
Ma bouche qui vous voulait rire
Et compter propos gracieux,
Ne fait maintenant que maudire
Ceux qui m’ont banni de vos yeux.
Banni j’en suis par faux semblant
Mais pour nous voir encor ensemble
Faut que me soyez ressemblant
De fermeté ; car il me semble
Que quand faux rapport désassemble
Les amants qui sont assemblés,
Si ferme amour ne les rassemble,
Sans fin seront désassemblés.
Je suis aimé de la plus belle
Qui soit vivant dessous les cieux :
Encontre tous faux envieux
Je la soutiendrai être telle.
Si Cupidon doux et rebelle
Avait débandé ses deux yeux,
Pour voir son maintien gracieux,
Je crois qu’amoureux serait d’elle.
Vénus, la Déesse immortelle,
Tu as fait mon coeur bien heureux,
De l’avoir fait être amoureux
D’une si noble Damoiselle.
Quand vous voudrez faire une amie,
Prenez-la de belle grandeur,
En son esprit non endormie,
En son tétin bonne rondeur,
Douceur
En coeur,
Langage
Bien sage,
Dansant, chantant par bons accords,
Et ferme de coeur et de corps.
Si vous la prenez trop jeunette,
Vous en aurez peu d’entretien :
Pour durer prenez-la brunette,
En bon point, d’assuré maintien.
Tel bien
Vaut bien
Qu’on fasse
La chasse
Du plaisant gibier amoureux :
Qui prend telle proie est heureux.
Ah ! Je voudrais, richement jaunissant,
En pluie d’or goutte à goutte descendre
Dans le giron de ma belle Cassandre
Lorsqu’en ses yeux le somme va glissant ;
Puis je voudrais en rosée* blanchissant
Me transformer pour finement la prendre,
Quand en Avril, par l’herbe la plus tendre
Elle va, fleur, mille fleurs ravissant.
Ah ! Je voudrais, pour alléger ma peine,
Etre un narcisse et elle une fontaine,
Pour m’y plonger une nuit à séjour ;
Et si voudrais que cette nuit encore
Fût éternelle, et que jamais l’aurore
D’un feu nouveau ne rallumat le jour.
Ne rallumat le jour.
*Texte original : taureau
Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies;
Qui ne les eût à ce vespre cueillies
Chutes à terre elles fussent demain.
Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries
En peu de temps seront toutes flétries
Et, comme fleurs, périront tout soudain.
Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame,
Las ! le temps, non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle:
Pour ce aimez-moi, cependant qu’êtes belle (quater)
Viens sur la mer, jeune fille;
Sois sans effroi.
Viens, sans trésor, sans famille,
Seule avec moi.
Mon bateau sur les eaux brille;
Vois ses mâts, vois
Son pavillon et sa quille
Ce n’est rien qu’une coquille
Mais j’y suis roi.
Que l’eau s’élève et frissonne
De toutes parts;
Que le vent tourne et bourdonne
Dans ses brouillards;
Aux flots comme au vent j’ordonne.
Plus de regards,
Plus de murs qui t’environne!
Personne avec nous, personne!
Que les hasards!
Pour l’esclave, on fit la terre
O ma beauté!
Mais pour l’homme libre et austère
L’immensité!
Chaque flot sait un mystère
De volupté.
Leur soupir involontaire
Veut dire: Amour solitaire
Et Liberté!
La douce chouette aux beaux yeux jaunes
S’éprit soudain du grand hibou.
« Folle ! Folle ! C’est si fou
De courir sus au guilledou
Du puissant Roi de notre faune ! »
La triste rapace patoune
Sa branche de bois et réponds :
« Amour ! Passion ! Vois son front !
Les grands yeux noirs de ce fripon !
Son chant divin… Oh Petitoune ! »
« Aigrettes floues, plumes aux pattes,
Ne vois-tu pas ? Il est si beau ! »
« Folle ! Folle ! Ce lourdaud
Dort tout le jour comme un sabot !
La nuit ? Horreur ! Un psychopathe ! »
Ci pérorait une limace,
Vipère de moulin à vent,
Molle ! Molle ! et bavant
Devant un escargot savant,
Le solennel Duc des grimaces.
A trop parler l’hibou la vit,
La goba, puis câlin se scelle
Tout doux, tout chou ! Dessous l’aile
Rousse de l’amoureuse oiselle.
On hulula toute la vie.
Tout gazouillant dans le verger,
Petit oiseau, boule de plumes,
Sautille haut, pépie léger,
Et puis s’échappe vers les brumes.
Levez les yeux vers son envol !
Voilà bottines et dentelles,
Jupons et jupe et fariboles,
Juchés là haut comme en castel.
Douce Adeline était assise
Sur une branche du pommier,
Révant pensive, au vent des brises,
Elle confia un chant dernier :
« Voyez là haut le bal gracieux
Des oiseaux vifs griffant le ciel,
Et là le tango silencieux
Du renard roux goûtant le miel.
Ci bas, regardez s’agiter
La noire foule en vagues sombres,
Glauque de tristes vanités,
Bal affligeant de mortes ombres.
Alors perchée, je serai celle,
Heureuse et pure du charnier,
Qui des humains sera pucelle ;
Immarcescible en ce pommier. »
Ame diaprée ce matin
Se barbouille en gris chagrin.
Parce que mon amoureux
Est parti au couchant bleu,
Emportant dans son butin
Les couleurs de mon jardin.
Tout est pâle et s’est enfuie
Joie des fleurs, odeur des buis.
Heureusement j’ai encore
L’envie de revoir l’aurore.
Enchanteurs, quel est celui
Qui coloriera la nuit ?
Le bel Adam le premier
M’a offert un beau rosier,
Pur et doux comme velours,
Tout rose au lever du jour :
Au bout de l’étroit sentier,
Tâche claire sous laurier.
Mais c’est François que voilà,
Timide, de-ci, de-là,
Portant telle une relique
Divins rameaux angéliques.
Accueillons ce blanc lilas,
Qu’il égaie ce jardin là.
Que dire de Lancelot,
Arrivé au grand galop,
Qui jette à mes pieds courage
Et un gros bouquet d’orage ?
Des iris noirs aussi beaux
Du bosquet sont les flambeaux.
Dahlia, pivoine, aubépine,
Coquelicot, églantine,
Tout un monde merveilleux
Entre en la ronde, joyeux.
Pensée, tulipe, glycine,
Marguerite et capucine.
Et ce soir en mon jardin,
Mille fées pour Séraphin ;
Un océan de couleurs,
Arc en ciel tissé de fleurs !
Oh ! Viens d’éclore en ma main
Un petit oeillet carmin.
Ode pour toi Mulot, mort ce soir au gazon
D’honneur dont s’est emplie ta besace de vie.
Tu laisseras ici des vertus à foison,
Un terrier, des enfants, du bonheur, un blason,
Gloire au plus haut des cieux, Gloire et pour tous, envie.
Ode pour un mulot, comme un des plus grands Dieux.
Toute vie sur la terre a la même valeur,
Qu’on soit homme ou oiseau, batracien ou mulot.
Et l’univers frémit quand frappe le malheur,
Où qu’il soit, d’un absent à jamais, oh Douleur !
Que résonne le glas et pleurent les grelots ;
Ode pour un mulot, comme un des plus grands Dieux.
J’enterrerai ton corps au bois du petit clos,
Au pied d’un bouton d’or, maintenant fleur sacrée.
Et pour me souvenir, je bénis de sanglot,
De souffrance et d’amour l’âme de ce mulot,
Oh ! Que j’ai vu mourir, pattes désespérées.
Ode pour un mulot, comme un des plus grands Dieux.
En hommage à Rémy Trembleau (1950-2008)
En recherchant la clé des champs
Rémy trouva bouton de rose.
Qui donc es-tu petite chose,
Bouton de rose dans le vent ?
Bouton de rose,
Viens-t’en viens-tu
Petit virtuose
Dans les nues ?
Je suis tout seul, bouton morose,
Bouton morose sous la pluie
Je suis tout seul et je m’ennuie
Rêve de fleur aux lèvres closes.
Bouton de rose,
Viens-t’en viens-tu
Petit virtuose
Dans les nues ?
Je vais t’aimer rose d’espoir,
Bouton morose du chemin
A bras le corps, à pleines mains
T’emporterai dans le miroir.
Bouton de rose,
Viens-t’en viens-tu
Petit virtuose
Dans les nues ?
Il la caresse de ses doigts
Alors s’ouvrant au gré du vent,
Se trouve nue la clé des champs,
Bouton de rose qui flamboie.
Bouton de rose,
Viens-t’en viens-tu
Petit virtuose
Dans les nues ?
Depuis Rémy en son sourire
Cache la rose et dans ses yeux
La clé des champs sourit à ceux
Enfants encor qui voient fleurir
Bouton de rose,
Qui est venu
Pour toi, virtuose
Dans les nues.
L’image d’Amélie courait nue sur le pré,
Cueillant en ses mains le cristal
Des blanches pâquerette(s) emperlées de rosée
Qu’elle portait, touches dorées
Au pourpre de ses lèvre(s) embaumées de santal.
Etrange silhouette emportée tout pâle
Au coeur de l’aurore elle fuit
Et revient plus légère en la brume d’opale
Cueillant en ses mains le cristal
Amélie vole saoule et danse dans la nuit.
J’entends le gazon clair au velours inouï
Rire, les violettes diaprées
De satin chamarrées déliées et jolies
Chanter pour ce corps évanoui;
L’image d’Amélie courait nue sur le pré.
Alors le vent s’élève où la plaine s’étale;
Vide sans corps entremêlés
Aux poussièr(es) des nuage(s). Mais là-bas pour Tantale
Cueillant en ses mains le cristal
L’image d’Amélie courait nue sur le pré.
Courait nue sur le pré.
Ah ! Qu’on s’ennuie à la maison,
Dans le pré, dans le vent et au clos joli,
On y danse en toute saison ;
Mes amies, allons-y, venez, c’est l’hallali
Jetons au loin cotte et jupon
Dans le pré, dans le vent et au clos joli,
Il n’est besoin que d’un pompon,
Bandeau blanc, bonnet bleu et fins souliers vernis.
Chantons, rions, jouons, dansons,
Dans le pré, dans le vent et au clos joli,
Nos rubans flottent polissons,
Satins d’or au soleil, funambules en folie.
En dansant nous nous envolons,
Dans le pré, dans le vent et au clos joli,
Vertige d’aile en ce vallon,
Tournons nues comme feuilles au rose ciel pâli.
Au matin, sages, revenons,
Plus de pré, plus de vent, ni de clos joli,
Jupons et cottes reprenons,
En fermant bien nos coeurs : la chanson est finie.
Autour d’un rayon fou du soleil qui se lève
Ecoute, crève-coeur ! le merle blanc qui chante
En haut de l’azur la nuit qui s’achève
Dans cette aube irisée, à mon âme méchante.
Car il faut nous quitter, douce, douce ma Mie :
Les amants se séparent quand le soleil s’éveille.
Ils fuient dans la plaine, encore endormis
De leurs souples ébats sous la lune vermeille.
Lève tes cheveux d’or, alors j’ôte mon bras
Puis de tes yeux brumeux à l’aurore grandis
Jure à mon coeur que jamais tu n’iras
Rejoindre l’oiseau noir au soleil qu’il mendie.
Mais je te vois chercher la lumière à ton tour !
Va-t’en ! Moi je reviens à mes nuits de pensées,
Sages compagne(s) en mes amours tressées
Sur un bout de papier tout perdu dans le jour.
Tout perdu dans le jour.
A Véronique Mjn
C’était un jour un capitaine
Sans matelot,
Partant pour des courses lointaines
Dessus les flots.
Allez marins,une trentaine,
Aux arsenaux
Ne laissez pas un capitaine
Sans matelot.
Un peu de bois et de misère,
C’est son bateau ;
Un peu de vent et de mystère,
Flotte sur l’eau.
Volant de vague en vague en mer
Comme un oiseau
Dentelle sur l’océan vert,
Comme il est beau.
Quand le vaisseau mit à la voile
A Saint-Malo,
Quand de la brume il se dévoile,
Le grand bosco
Crie dans la nuit, tête aux étoiles,
Hardi ribauds !
Hissez le foc, tendez la toile !
Allez ! eh ! ho !
Le capitaine est une femme
Et dans ses yeux,
Brûlent sauvagement les flammes
De nos adieux,
De mille vies, mille rivages,
Sous mille cieux,
Des cris, du sang et des naufrages ;
Au vent furieux.
Au coeur des matelots légère,
Une chanson,
Frémit folle sous les paupières,
C’est un frisson.
Saoulons-nous de franche lumière
Et d’horizon.
Perdus ! Vivants ! Nous sommes fiers,
Alors dansons.
Et quand accostera la nef
Dans le vieux port.
Alors à bas les couvre-chefs,
Saluez les morts.
Lorsque la mer s’unit au ciel,
Glisse leur corps,
Comme un soleil artificiel
Au couchant d’or.
Mais là-bas une ombre incertaine
Tourne le dos,
Disparait dans les rues lointaines,
Eh matelots !
A terre les vaisseaux s’enchaînent
A des poteaux…
Oh Kenavo mon capitaine,
Et à bientôt.
Je le dirai ;
Quand les forêts bruiront là-bas,
Quand le soleil parait,
Ruisselant de l’écume,
Noire de ses combats ;
Ce qu’il faut dire en écartant les brumes.
Tu le diras ;
Quand l’envol rouge du corbeau
Au loin commencera,
Quand partout les prés meuglent,
Fumants et en lambeaux ;
Le cri perdu des animaux aveugles.
Nous le dirons,
Les mains tendues vers le brouillard,
Nus à genoux dans le giron
D’un ciel qui tourbillonne
En frimas nasillards.
Ta vie s’enfuit en ce matin d’automne.
Voici venu l’appel
Du départ officiel.
Groupés en rang, détruits,
Les vieux grisons frissonnent
Qu’on étrangle et moissonne
Leur espoir dans la nuit.
Car le départ est tel
Qu’une feuille fidèle
Se déchire et s’enfuit
Du cahier monotone,
Morne vie où bourdonne :
Pas d’espoir dans la nuit.
Soudain à tire d’aile
S’élance âme nouvelle
De ces pages d’ennui.
Dans l’azur qui rayonne
Virent, volent, fredonnent
Plein d’espoirs dans la nuit.
Des cottages ruissellent
Des buées de dentelle,
L’odeur suave des fruits.
Ballade papillonne
En collines nous donne
Un espoir dans la nuit.
Une feuille est si belle
Blanche, libre, rebelle,
Tournoyant épanouie,
Au soleil des automnes,
En l’été qui chantonne,
Nos espoirs dans la nuit.
Ah, naissance nouvelle,
Cris de joie drus, crécelles !
Commençons aujourd’hui !
Le cahier je le donne,
Je m’envole, braconne
Mon espoir dans la nuit.
Envoi
Messieurs, voilà que sonne
Poésie sauvageonne ;
Un espoir dans nos nuits.
Je suis un chien courant
Gambade tout content
En rondes brèves.
J’aboie, aime gaiement ;
Soudain tout caressant
Viens dans mes rêves…
Je t’offrirai fidèlement
Pattes pelues, mes yeux d’enfant,
Bonheur sans trêve.
Je suis un chat miaulant
Dans le peuplier blanc.
Mais à la brune
Je ronronne souvent
Et dors nonchalamment
Viens dans ma hune…
Je t’offrirai passionément
En mes yeux clairs amour brûlant
Dessous la lune.
Je suis bel alezan
Heureux en galopant
Dans les clairières.
A l’amble dans le vent
Mes sabots sont d’argent.
Viens, cavalière…
Je t’offrirai le flamboiement
De force brute au bout des gants,
Sous ma crinière.
Je suis l’aigle volant
Au dessus des vivants
Et des ondines
Mes ailes savamment
Giflent d’un frôlement
L’eau des collines…
Je t’offrirai sauvagement
La liberté du firmament
Dans l’opaline.
Voilà un peu de ce bestiaire
D’amour ; et que soient sans manières
Riches nos âmes.
Mes sabots de bois sonnent les mâtines
Sous les bancs de bois, les vilains sournois !
Mes sabots de bois tapotent, lutinent
Sous les bancs de bois les jolis minois.
Mais un jour Ninon m’a pris mon sabot
« Je te le rendrai, foi que doit Ninette,
Entre chien et loup derrièr(e) les tombeaux,
Sois au rendez-vous, et pas de sornettes ! »
Tout le jour pieds nus, j’arpentais les ponts
Ressassant sans cess(e) les appâts les charmes
De la belle qui, et ça j’en réponds,
A tous ces galants fit verser des larmes.
Et vesprée venue, plutôt chien que loup,
Montrant mon sabot sous sa cotte blanche,
Ell(e) me tend les mains et le feu aux joues
M’invite à fouiller ses jupons , ses hanches…
Moi je pleurais dru tout au bord du puits;
Soudain j’ai senti comme des quenottes
Glisser dans mon cou, fraîches, fraîches puis
Sur mon corps fiévreux ses tendres menottes.
Depuis cette nuit, dans notre chaumière,
Nous tenons tous deux l’éternel flambeau
Du bonheur dorant de douce lumière,
Un objet au mur : comme deux sabots…
Rien ne va plus au royaume des cieux.
Clameurs et éclairs, pluie, vent, fureur et tonnerre,
Horreur glacée, chaos vicieux,
Dans cet enfer rouge les Dieux
Regardent sidérés une enfant débonnaire
Aller à l’école un sage matin.
Vénus, désespérée, choit cul par-dessus tête
Du ciel. Amer est son destin :
Elle pleure, le cœur éteint,
Son miroir fracassé dans l’ultime tempête.
Puis, écrasée, elle contemple, ébahie,
Sautiller mordorées de folles boucles sombres,
Sur des frissons de moue jolie.
Aux harpes des lèvres polies,
Chevaliers et princesses s’adorent dans l’ombre.
Soupir assassin et regard fripon,
Déployant jambe fine comme oiseau moqueur,
Elle balance ses jupons
Devant tous ces colins tampons,
Ecuyers à genoux sous son rire vainqueur.
Mais le soir venu, en sa chambre rose,
Repose, un ange chaud qui serre doucement
Dans l’or de ses menottes closes,
L’ourson menu où l’on dépose
Le bercement des nuits dans les mains de maman.
L’enfant qui dort est un rêve évanoui,
Miracle de l’amour dont le souffle gracile
Rassure les Dieux épanouis.
Et Vénus, maternelle, éblouie,
Couve passionnément la déesse fragile